CS10 : La cannibalisation des blockbusters
Déjà la dixième session avec l'équipe de Console Syndrôme. Nous allons vous proposer une analyse sur l'appétit phagocytaire des blockbusters du jeu vidéo tels que Red Dead Redemption, Final Fantasy XIII, ou encore Modern Warfare 2. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il ne laisse pas la place à des jeux aux moyens bien inférieurs, bien que cela ne date pas d'hier. Le début de l'année est, d'ailleurs, un révélateur de plus dans le ventre de ces ogres qui en veulent toujours plus. Bref l'analyse ci-dessous devrait vous éclairer à ce sujet. Bonne lecture.
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L’on connait les budgets parfois pharaoniques des productions Rockstar : GTA IV aurait couté 100 millions de dollars, une somme similaire, bien que non confirmée, ayant été évoquée pour Red Dead Redemption. Mais très vite, à la vue des premiers chiffres de vente, les doutes quant à la rentabilité du soft ont été effacés : Red Dead Redemption est le carton attendu, à tel point que cela semble devenir coutumier pour ce studio. En effet, sur la fin mai, Red Dead Redemption se serait vendu trois fois plus que Super Mario Galaxy 2 et autour des 1,5 millions d’unités, et l’on apprenait au début du mois que 5 millions d’unités s’étaient déjà écoulées. Toutefois, l’on n’est pas sans ignorer que le comportement des jeux Nintendo est quelque peu différent, car ils tendent à se vendre sur du très long terme. L’explosivité d’un Red Dead Redemption est donc à mettre en relief avec Modern Warfare 2 qui, déjà en novembre dernier, avait sans doute quelque chose à voir avec l’un ou l’autre de ces nombreux décalages de sortie.
Relevé à la fois par le CEO de Rockstar, Ben Feder, et les analystes, les ventes de Red Dead Redemption ont donc monopolisé l’attention. Ben Feder n’hésite d’ailleurs pas à dire qu’il a privé d’oxygène les autres jeux sortis sur la même période aux Etats-Unis (tels que UFC Undisputed 2010). A cela on ajoutera que c’était en partie prévisible, tant la campagne marketing semble avoir été soignée, mais c’est pourtant un phénomène assez récent que des succès commerciaux asphyxient la concurrence au point de réduire les ventes globales d’un mois donné. On apprend ainsi que depuis le début de l’année 4% des jeux (contre 5% sur la même période de 2009) représentent 80% du chiffre d’affaires, et qu’il y a 23% de nouveautés en moins.
Analysé par Jesse Divnich il y a quelques mois, le calendrier des sorties souffre visiblement de trop fortes congestions sur les fins de trimestres fiscaux. Ainsi, au lieu de s’étaler tout au long de l’année comme des films qui sortent chaque mercredi, les éditeurs privilégient les stratégies à court terme. L’industrie du jeu vidéo, à certaines exceptions notables près, s’est d’ailleurs toujours comportée de cette manière, le roulement très important des titres en étalage ne faisant rien pour arranger les choses. Pourtant, l’élément notable qui ressort de cette analyse, c’est que la masse des ventes en fin de trimestre (les mois de mars, juin et septembre) ont des résultats similaires aux autres mois, ce qui veut tout simplement dire que certains jeux ne se vendent pas. Et si depuis le début de l’année les mois de sorties ont quelque peu varié (beaucoup de sorties anticipées sur les mois de janvier et mai), la concentration de titre est globalement la même. Les résultats sont d’ailleurs en baisse par rapport à l’année dernière, aussi bien pour janvier que pour mai.
La France n’échappe pas au phénomène au vu des conclusions de l’IDEF qui s’est déroulé du 29 juin au 1er juillet, tant les victimes expiatoires de l’insolent succès de Red Dead Redemption (évalué à 300 000 unités) semblent s’amonceler : Blur, Split/Second Velocity, Alan Wake. Tous des titres plutôt soignés et qui auraient du rencontrer leur publics (même si Blur et Split/Second se sont compliqué la tâche en sortant à une semaine d’intervalle).
Finalement Cyril Drevet abordait l’idée à juste titre lors de la conférence des Chroniques de Player One : les blockbusters tirent la qualité vers le haut en monopolisant les ventes, car les titres voulant rivaliser avec ce type de mastodonte ont intérêt à mettre le paquet. Les joueurs peuvent dès à présent s’en réjouir mais on ne peut pas en dire de même pour les éditeurs qui, les coûts de développements augmentant, vont avoir de plus en plus de mal à supporter un échec commercial.